MORT DE ROGER FREZIN
Voila un mot que j'ai reçu de sa compagne et qui m'a beaucoup émue :
Merci
Je suis la compagne de ce vieux Monsieur énergique, de ce peintre malicieux et obstiné de la vie et vous remercie pour ce bel article qui permet un peu plus d'élargir le cercle de ses admirateurs. Roger s'est endormi en traçant le début d'un nouveau dessin... "vert tige" qui meurt de ligne en quatre petits points... je l'ai rencontré en 1983, j'ai donc été sa muse, sa collègue, sa "gouvernante" attentive et parfois... enragée...! et jamais son esprit, ni son trait ne me décevait ... et comme il disait: "Tomber amoureux d'une "Oblique" dans un sens t'as raison et dans l'autre t'as pas tord... " Merci.
Il avait peint sans trêve, dessiné sans arrêt, réalisé des fresques, conçu des pochettes de disques, décoré la 2 CV de Raoul de Godewarsvelde, inventé une folle machine pour le Salon de l'auto, égayé un Boeing, multiplié les événements saisissants ou drolatiques.
Les yeux vifs, la mèche en bataille, les bacchantes à rebrousse-poil, il était toujours ravi de ses effets, comme un éternel jeune homme à la conquête de la vie sous toutes ses formes, du ballon de rouge aux immenses batailles à la Uccello en passant par l'invention de la brique bleue ou la chasse aux papillons.
Inlassable Roger Frézin !
Ces derniers jours, il s'amusait encore à représenter des personnages sur l'épaule desquels venaient se poser de gais oiseaux. D'où lui venait cette énergie ? Fils et petit-fils de graveur, né dans le quartier Moulins à Lille en 1927, il doit son entrée aux beaux-arts à la volonté de son père, prisonnier en Allemagne, qui recommande cette voie à son épouse.
Accablé par un enseignement trop conventionnel (même les modèles vivants ne bougeaient pas d'un pouce), Roger Frézin lance le Groupement de défense des lignes et des formes, puis fonde en 1957, avec quelques compagnons talentueux et rebelles (Valois, Olivier, Parsy) l'Atelier de la Monnaie, un groupe qui fait naître à Lille une véritable effervescence artistique. Non seulement les membres de cet atelier sont des peintres de premier plan, mais ils invitent de grands noms de la culture (Resnaty, le mime Marceau, Arthur Adamov, Vasarély, Matta...) et cultivent la farce sans vergogne, jusqu'à inventer le fameux Aimé de Vosgelaere, un personnage aux mille proverbes et facettes.
Cette aventure collective n'empêche pas Frézin, bien au contraire, d'affirmer un sens très personnel des formes et des compositions. Fasciné par les machines, attentif à tout ce qui bouge ou qui l'émeut, amateur de Balthus comme de Charlot, de Picasso ou de Verlaine, il laisse une oeuvre pleine d'énergie et de fougue, mais aussi de maîtrise technique et de finesse esthétique. Cet homme unique n'avait jamais froid aux yeux. •
B. V.
Les funérailles auront lieu vendredi à 14 heures à l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Wazemmes, Lille.
quelques unes de ses oeuvres :